mercredi 31 août 2011

Jorge Luis Borges dans Le Nom de la rose, d'Umberto Eco

Umberto Eco rend hommage dans son œuvre au célèbre écrivain argentin, en créant le personnage Jorge de Burgos, un bibliothécaire aveugle environné de mystères.
 Umberto Eco, romancier et essayiste italien, né en 1932 à Alexandrie dans le Piémont, spécialiste en sémiotique, soit dans l’étude de la production, de la codification et de la communication des signes, se fit connaître du grand public grâce à son premier ouvrage paru en 1980, Le Nom de la rose, qui remporta un succès mondial avec 17 millions d’exemplaires vendus en 26 langues. Il fut adapté au grand écran six ans plus tard, par le réalisateur français Jean-Jacques Annaud.
Christian Slater dans le rôle d'Adso
Sorte de roman policier médiéval, l’histoire est riche en clins d’œil, notamment à l’égard de Sherlock Holmes, le héros Guillaume de Baskerville ayant emprunté son nom à l’une des plus fameuses aventures du détective britannique, et à l’égard du Candide de Voltaire, dans le personnage du novice Adso qui découvre la vie.
   Mais c’est autour du sévère moine Jorge de Burgos, qui détient l’unique exemplaire au monde de la Poétique d’Aristote, livre qui recèle la clef de l’énigme, et de la bibliothèque, emprunte à La Bibliothèque de Babel, célèbre nouvelle de Jorge Luis Borges, et pour finir dans la structure même du récit en sept chapitres, que l’allusion la plus évidente est faite au célèbre écrivain argentin.

La préface
Umberto Eco nous y raconte, dans un style emprunté à son contemporain latino américain, un mystère compliqué au sujet d’un ouvrage de l’Abbé Vallet, qui fut résolu dans la ville de Buenos Aire, en Argentine, où naquit précisément Jorge Luis Borges en 1899, en s’y référant sans le mentionner.
Jorge Luis Borges
Poète et écrivain, principalement connu pour ses nouvelles fantastiques et surréalistes, considérées comme des classiques de la littérature du XXème siècle, Jorge Luis Borges travailla aussi comme critique littéraire, et comme co-auteur de récits policiers parodiques signés Bustos Domecq, rédigés en collaboration avec son ami Bioy Casares, dont le style inspira en partie Umberto Eco dans son pastiche médiéval. Il obtint par deux fois un emploi à la bibliothèque municipale de Buenos Aire, et souffrit de cécité à la fin de sa vie. Son personnage s’imposa à l’auteur du Nom de la Rose, qui lui vouait une admiration sincère, lorsqu’il chercha à tracer le portrait de celui qu’il nomma dans son livre : Jorge de Burgos.

Guillaume de Baskerville, un détective du moyen âge
Sean Connery dans le rôle de Guillaume de Baskerville
 Le Nom de la rose se situe en 1327, lorsque l'ex-inquisiteur Guillaume de Baskerville se rend dans une abbaye bénédictine, située entre la Provence et la Ligurie, au nord-ouest de l’Italie, accompagné par son novice Adso, qui est le narrateur de l’histoire. 
  Dès le début du film, Guillaume de Baskerville démontre sa perspicacité d’enquêteur en devinant l’emplacement des toilettes, suivant une logique propre aux romans policiers. Il s’avoue très ému à l’idée d’approcher la légendaire bibliothèque de l’Abbaye, réputée pour détenir des exemplaires uniques de textes sacrés, mais aussi de philosophie, tels que la Poétique d’Aristote, qui souligne les bienfaits du rire, considéré comme diabolique par Jorge de Burgos. Or l’accès de la bibliothèque se trouve interdit aux visiteurs, ainsi qu’à l’ensemble des moines.
Le contexte
Michael Lonsdale dans le rôle de l'abbé
Dans un climat de conflit spirituel entre les franciscains et le Vatican, au sujet de la pauvreté du Christ, Guillaume de Baskerville est invité à mener une enquête policière, à la demande de l'abbé, à la suite de la mort suspecte de l'un des moines. Rapidement, ce qui ressemblait à un suicide prend des allures de meurtre, et d’autres victimes suivent alors. 

F. Murray Abraham dans le rôle de Bernardo Gui
Lorsque l'inquisiteur dominicain Bernardo Gui se rend à l'abbaye à la demande du pape, et cherche à mettre sur le dos d’hérétiques la responsabilité des diableries dont le lieu sacré est le siège, qualifiant les morts de l’œuvre du démon, Guillaume de Baskerville est officiellement retiré de sa charge, mais n’en redouble pas moins d’ardeur pour élucider les crimes.

Des pages mortelles
Feodor Chaliapin dans le rôle de Jorge de Burgos
Il a remarqué, lors de l’autopsie d’un corps, que le pouce de la victime est taché d’encre noire-violette : il s’agit en fait de cyanure, dont Jorge de Burgos a enduit les coins des pages du fameux livre unique d’Aristote, afin de punir les malheureux moines, coupables à ses yeux aveugles de grimaces immondes, lorsqu’ils réussissent à sortir le livre de la bibliothèque et qu’ils cherchent simplement à rire en le lisant. Ils s’humidifient les doigts pour tourner les pages, et c’est ainsi qu’ils s’empoisonnent.
Umberto Eco trace avec prodige un portrait inversé, ou surréaliste, de Jorge Luis Borges, le transformant en un personnage sévère et austère, emprunt d’obscurantisme, étroit d’esprit et fermé à toute nouveauté, alors que l’œuvre et la vie du célèbre auteur argentin témoignent des qualités opposées : avant-gardiste, militant politique engagé contra la dictature, durant laquelle il dû s’exiler hors d’Argentine, humoristique dans ses pastiches de romans policiers, précurseur dans son genre littéraire.

La bibliothèque
C’est un labyrinthe menacé d’effondrement, avec de vieux escaliers rongés par le temps, des miroirs symétriques qui confondent le passant et lui font prendre un couloir pour un autre. Adso et Guillaume de Baskerville s’y perdent, se retrouvent séparés l’un de l’autre, et ont recours au fil d’Ariane, en décousant l’une de leur tunique, pour parvenir à se rejoindre. A l’image de La bibliothèque de Babel, de Jorge Luis Borges, le lieu symbolise une quête de l’inaccessible, de l’interdit ou du secret. Lorsque Guillaume confronte finalement Jorge de Burgos qui mange face à lui les pages du livre empoisonné, pour empêcher la lecture à qui que ce soit de l’exemplaire unique de la Poétique d’Aristote, la bibliothèque prend feu, Adso veut sauver son maître, tandis que celui-ci veut sauver les livres au péril de sa vie.
Il devient alors évident que le véritable responsable des morts et de toutes les tragédies de l’histoire réside dans l’obscurantisme, dans le désir de conserver la culture hors d’atteinte des moines eux-mêmes, pour mieux dominer leur esprit, au sein de la crise que connaît l’église dans sa chasse aux sorcières. Au-dehors, on tente de brûler les hérétiques, mais c’est finalement l’inquisiteur Bernado Gui qui sera mis à mort par la foule révoltée. Au-dedans, on préfère détruire des ouvrages précieusement conservés depuis l’antiquité, que de risquer d’ébranler les pensées dogmatiques du bibliothécaire, qui terminera sa vie dans l’incendie.

Le titre «Le Nom de la rose» renvoie donc au plaisir interdit pour les moines, que ce soit celui du rire, de la gaité futile, de la distraction, ou de la femme.
  A force de flammes et de sang, le progrès fait son œuvre, incarné par l’esprit méthodique et rationnel de Guillaume de Baskerville, dont l’émerveillement pour la logique, qu’il trouve dans les événements les plus surréalistes qui soient, et la passion pour le langage des signes et des symboles, réunissent pour finir en un seul personnage son créateur Umberto Eco, et l’écrivain duquel le livre est en partie inspiré, Jorge Luis Borges.


Le chiffre sept
Le Nom de la rose est une histoire en sept chapitres, chiffre symbolique qui représente le nombre des jours et des étapes successives de l'enquête, ainsi que le nombre des morts. Il existe de même un livre de Jorge Luis Borges qui réunit sept conférences, données dans diverses universités, que l'on peut considérer comme sept essais. Dans ce petit recueil, baptisé Les Sept Nuits (Siete Noches), en miroir au sept jours du Nom de la rose, on trouve un texte sur les cauchemars, sur les Mille et une nuits, sur la Divine Comédie de Dante, sur le bouddhisme et sur d'autres thèmes que Borges exploite et nous fait partager.

Sources :
- Le Nom de la rose, éditions Grasset, 1990, Paris
- Le Nom de la rose,film de Jean-Jacques Annaud, 1986.
- Wikipédia.

Article dédicacé à notre invité d’honneur Jean-Luc Mercier, qui a choisi Le Nom de la rose comme film-culte.

Jean-Luc Mercier, enseignant retraité, botanniste, écrivain, auteur, rédacteur, et souvent bénévole free-lance.
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1 commentaire:

  1. Quel challenge est mis entre les mains de l'éditrice de ce blog en lui parlant de ma passion pour cette complexe et magnifique histoire qu'est Le Nom de la Rose ? Mais je me suis fais prendre à mon propre piège (qui n'en était pas un) puisque Catherine a su me surprendre en me révélant quelques secrets en core inconnus pour moi sur l'histoire de cette histoire. Merci MERCI Catherine

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