lundi 22 août 2011

L’art d’écouter, ou comment aider sans être envahi par les problèmes des autres

On est tous confronté un jour à quelqu’un qui a besoin de parler et d’être accompagné dans sa souffrance : comment faire ?
 Écouter implique se rendre disponible, donner de son temps et de sa présence, se concentrer sur les propos de l’autre sans penser à ce qu’on pourra bien lui répondre avant même qu’il ait fini la moitié d’une phrase. C’est une attitude qui bannit le jugement et la comparaison, le retour systématique vers notre propre histoire «c’est comme moi, il m’est arrivé la même chose quand… » et notre interlocuteur disparaît, nous prenons sa place en demandant son attention à notre tour, et le laissons là avec son problème.

Écouter n’est pas donner des conseils, ni expliquer le pourquoi du comment on en est arrivé là, ou ce qu’on devrait faire pour s’en sortir, présumant que ce qui serait bon pour nous sera forcément utile pour l’autre : il n’en n’est rien. Chacun a ses ressources,  une personnalité unique, et un chemin qui lui est propre. 

 Comme le décrit si bien Henry Bauchau* dans Œdipe sur la route, écouter, c’est accompagner de notre impuissance : une attitude de sagesse et d’humilité, de sympathie et d’empathie, là où nous ne pouvons ni connaître et encore moins posséder la solution universelle et le pouvoir de la salvation.

*Œdipe sur la route, de Henry Bauchau, collection rochée et Babel, et J’ai Lu.



Renoncer à comprendre
Le sens étymologique de ce mot est de «prendre avec» –soi-même, sous-entendu. On ne peut prétendre accaparer l’histoire d’autrui, qui ne nous appartient pas, sans risquer d’en être envahi et de la prendre de travers, selon l’expression populaire. La façon dont quelqu’un est affecté, agit et répond à une situation, dépend en grande partie de la sensibilité qui lui est propre. Un détail dans son discours peut nous bouleverser, qui pour lui est secondaire. Une anecdote, à l’inverse, a pu être la goutte d’eau qui l’a submergé d’émotions incontrôlables, tandis que nous n’y voyons rien de si grave.

Reconnaître la douleur sans l’étiqueter
 On peut comprendre que l’autre est en souffrance, et le lui faire savoir régulièrement pendant qu’il parle, ce qui l’aidera à se sentir accompagné dans son épreuve.  Mieux vaut laisser aux professionnels de la relation d’aide, extérieurs à la situation, la charge d’analyser le sens du problème, et se préserver ainsi d’interpréter et de guider vers des voies sans issue. « Je comprends que tu aies mal » n’est pas la même chose que « je comprends ce qui te fais mal » ou « pourquoi tu as mal ». Et lorsqu’on y entend rien, mieux vaut un « je t’écoute, peux-tu répéter ? » qu’un « explique-toi, là, je ne te suis pas, c’est confus, de quoi parles-tu, (…) »
 Autant d’expressions courantes qui sont bien souvent blessantes autant qu’inutiles.


Limiter
Une personne qui raconte ses problèmes a tendance à se répéter, à se perdre, son discours est souvent décousu, c’est au fur et à mesure qu’elle parle qu’elle découvre elle-même ce qu’elle cherche à dire. Pour celui qui l’accompagne, c’est une épreuve de patience : « Où veux-tu en venir ? » Nulle part en général.

Elle exprime ce qui lui pèse dans une tentative de l’expulser en dehors de son corps, de son âme (psychisme inconscient) et de son esprit. Elle n’a nulle part où aller dans ses propos, et elle peut continuer ainsi pendant des heures, et finir par se faire plus de mal, en rabâchant sans cesse la même histoire, que de bien. Comment l’arrêter sans la blesser, comment limiter les moments et les espaces de notre propre vie, que nous souhaitons lui offrir, sans qu’elle devienne «notre problème?»


Fixer un cadre
A la formule de politesse «je peux te parler, tu n’es pas occupé(e)?», il n’est pas très élégant de répondre «non, je n’ai pas le temps», et pourtant, il faudra bien en passer par là. Lorsque l’on sollicite un rendez-vous, celui qui appelle s’adapte aux horaires et à la disponibilité de celui qui répond. Il est préférable de dire avec tact que l’on estime important ce que l’autre veut nous dire, au point de vouloir choisir un lieu et un moment adéquat, plutôt que d’entendre par-dessus l’épaule des histoires dont on ne sait que faire dans un endroit qui ne s’y prête pas.
Il est curieux de constater que la plupart du temps, celui ou celle qui voulait nous parler de ses problèmes impulsivement et avec urgence, ne viendra pas là où on l’attend, pour quelque prétexte que ce soit. C’est ainsi que l’on pourra faire la différence entre ceux qui souhaitent vraiment être accompagnés, de ceux qui cherchent juste à se vidanger au détour d’un couloir.

C’est aussi dans notre aptitude à fixer un cadre judicieux et à retenir notre impulsion naturelle à nous rendre disponible n’importe où et n’importe quand, que nous pourrons mesurer notre propre nécessité d’aider pour nous sentir utile, de notre capacité de donner de nous à un moment où nous aurions préféré faire autre chose.

Écouter prend du temps, de l’énergie, et demande un effort : il est important que chaque partie reconnaisse ce fait, pour en respecter les limites. A l’exemple du maître nageur qui doit se préserver du noyé au risque de couler tous les deux, aider demande en premier lieu de se prendre soi-même en compte, en incluant son état de fatigue et le reste de son entourage, qui a aussi besoin, en règle générale, de présence quotidienne, sans avoir à le signifier pour autant. L’exemple des parents qui passent plus de temps à entendre les problèmes de leurs voisins que ceux de leurs propres enfants en est une parfaite illustration.
Source : L’écoute empathique de Carl Rogers, psychologue humaniste américain, 1902-1987.

Article dédicacé à notre invitée d’honneur Caro Descat dont la passion, lorsqu’elle ne se consacre pas toute entière à la création artisanale de bijoux originaux, souvent axés sur la lithothérapie (soin énergétique par les pierres), consiste à écouter et à aider les autres. Retrouvez-là sur notre page Contacts, avec les coordonnées de son exposition d'art en ligne.


Si cet article vous a plu et/ou vous a semblé utile, merci de cliquer sur le «+1» de Google ci-dessous, et de partager sur Facebook et Twitter en fonction de vos possibilités. Plus nous sommes populaires dans les moteurs de recherche et mieux nous vous promouvons comme invités d’honneur.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire